"Les bâcheuses"
Salutations made in Reunion à tous :)
Chez moi on ne dit pas "sécher les cours'' mais bel et bien "bâcher les cours" et ceux qui s’osent à cette pratique sont appelés les "bâcheurs" ou "bâcheuses" comme Betty et moi ;)
Rien n’était prévu et je n’ai jamais voulu mêler Betty (ma petite protégée désormais) à ma décadence.
Vendredi, je me suis levée, j’ai éteint l’alarme de mon téléphone, j’ai reposé ma tête lourde sur le moelleux de mon oreiller et je me suis lentement replongée dans le royaume de mes songes. Que voulez-vous, nous étions vendredi. Vendredi, dernier jour de labeur et ses désastres. Il faut savoir que tout me décourageait à la perspective de cette journée : mon cours de math et les exercices que je n’avais pas fait; mes deux heures de D.N.L. sport (européenne sport, en anglais of course) que je ne souhaitais le moins du monde étant donné mon niveau catastrophique en E.P.S; mes deux heures de latin (avant j’aimais le latin, mais ça c’était avant… avant un certain professeur qui ne semble pas connaître le mot "pédagogie"); et puis LUI draguant d’autres sous mon regard (je ne peux plus supporter ce spectacle).
Certes, je me suis créée cette situation peu confortable dans laquelle je me trouve : j’aurais dut faire mes devoirs, j’aurais put arrêter l’étude de la langue et de la civilisation latine, j’aurais put ne pas partir et ne pas le laisser partir, et si je n’avais pas eut de "soucis de compréhension" avec ma professeure de science nat', j’aurais put faire de la biologie en section européenne ce trimestre. Mais tout cela, je ne le regrette pas, pas vraiment, et je me dis que j’ai bien fais, pour moi, pour ma santé mental et mon bien-être.
Je suis donc restée dans mon lit avec la ferme intention d’y passer la journée et le restant de ma vie si possible. C’était sans compter sur ma mère qui, inquiète, s’est décidée à appeler mon père après avoir tenté tout ce qui était en son pouvoir pour me faire bouger. Daddy, celui à qui appartient mon cœur et cela à jamais, mon confident, mon complice, celui qui me soutient peu importe la situation et qui me comprend mieux que personne, a menacé de me renier si je n’allais pas au lycée et m’a raccrochée au nez avec fureur.
Vendredi, à l’heure où les cours débute, alors qu’à l’autre bout de la ville mes camarades se dirigeaient vers leurs salles de cours respectifs, je me suis levée, j’ai traîné mon corps jusque la salle de bain et je me suis laissée à pleurer de désespoir, l’eau emportant au loin mes maux. Mon corps luttait contre ma volonté de partir au lycée afin de satisfaire mon amour de père. C’était contre tout ce que je défendais de faire cela : je ne vis pas pour les autres ou les satisfaire.
Je suis arrivée (of course) en plein milieu du cours de français avec une bonne demie-heure de retard. Je me suis assise pour écouter mon professeur débiter son cours tel un automate et j’ai alors pensé à Camus, à "L’étranger", à l’existentialisme qui en ressort malgré tout, et je me suis alors dit que je ne pouvais décidément pas rester là tel une brebis parmi tant d’autres, attendant pour l’abattoir.
L’heure s’est terminée et les deux suivantes se sont écoulées plus vite que je ne le souhaitais. Je me suis bien trop vite retrouvée à devoir me rendre en ce fameux cours de sport, mais… "Non ! Et puis non ! Je ne suis décidément pas assez forte pour supporter ça!", me suis-je dis. Rester deux longues heures en compagnie de personnes douées en sport et devoir supporter les railleries et leur regard accusateur est hors de ma portée. "Mais qu’est-ce qu’elle fait là, elle ? Elle voit pas qu’elle est de trop?" Je suis tout à fait d’accord, là n’est pas ma place. Alors je suis partie, tout simplement.
Betty n’avait pas cours, alors je l’ai suivit et nous sommes parties manger une crêpe^^ Le réconfort avant tout. Tout se passait bien, j’étais enfin détendue, libre, et heureuse. Et c’est tout ce que je demandais ce vendredi matin là. Un peu de paix. Qu’on me laisse en paix. Je mangeais (oui, il arrive que je cède à la faim), je rigolais, je respirais, enfin.
Mars est arrivée, c’était étrange; elle et moi étions censées avoir cours ensembles. Non, je n’avais rien bâché finalement; il s’est avéré que mon professeur était absent. Quel dommage.
Mars s’est sauvée chez elle, nous abandonnant Betty et moi à notre folie.
Notre en-cas achevé, nous nous sommes rendues au parc, en face de l’établissement dans lequel j’avais été si heureuse durant mes 5 années à l’école élémentaire. Où du moins, je pense l’avoir été, heureuse. A l’ombre d’un arbre, la chaleur de ce début d’été austral devenait supportable et l’air était bon et frais.
Les choses me paraissaient tout d’un coup plus faciles. Vivre, c’est facile. C’est nous qui nous rendons la vie difficile, me disais-je. Je me suis mise à fumer, devant Betty qui lorgnait sur ma cigarette. Je ne lui en ai pas proposé, pas par impolitesse, mais par conviction; je ne fais pas fumer les autres or-mis les fumeurs comme moi qui on perdu le compte des paquets consommés. Mais elle continuait à me fixer. Toujours.
Nous avons parlé de choses et d’autres, de la vie, du cycle étourdissant dans lequel nous vivions et de notre incapacité à nous en libérer. J’en ai appris bien des choses sur Betty ce jour là, sur sa famille et ses origines; je me suis donc confiée quelque peu à elle. J’appréciais cette échange entre nous à cette instant, cette connexion entre elle et moi, entre deux êtres humains. Je l’estimais de plus en plus cette petite Betty, petite et fragile, mais malgré sa jeunesse elle connaissait déjà la vie, elle en connaissait trop. Betty, enfant de l’an 2000, plongée trop tôt dans le monde, forcée d’avancer au rythme infernal que lui impose ses parents, forcée d’être la plus jeune de sa classe après avoir sautée une classe. C’était ma petite "Pépite" à moi; elle me rappelait tellement la Lou Bertignac de No et Moi. Et dans un sens, elle me faisait penser à une autre petite fille, elle aussi perdue dans le monde qu’elle cherchait à comprendre, qui se cherchait tant bien que mal, qui rêvait beaucoup, qui rêve toujours. Oui, elle me faisait penser à cette autre petite fille que j’étais. Une autre époque, une vie, une autre fille. Je ne suis plus la même.
Mais Betty me regardais toujours fumer, car je fumais encore et toujours, sans m’arrêter. Elle a fini par m’en demandais une et j’ai bien sûr refusé, mais elle m’a raconté que se ne serait pas sa première, qu’elle avait déjà fumé une fois avec son copain il y a bien longtemps et qu’elle en avis plus que tout, que se serait pour elle une expérience comme une autre. J’ai alors pensé à cette petite fille que j’étais, avec personne pour la guider lorsque j’ai commencé à fumer et à mon envie que j’avais moi aussi de faire des expériences et de tout tester pour être sûr de ne pas mourir idiote. Betty me trouve vivante, elle m’admire pour avoir eut le courage d’expérimenter la vie. Sûr, que des expériences, j’en ai faite, trop peut-être. J’ai pensé à tout cela, j’ai cédé et je l’ai observée fumer sa première vrai cigarette, la sienne, pas une ou deux taffes sur celle d’un autre. Malgré ma conscience qui me tourmentait j’avais une sorte de fierté fraternelle à la voir fumer, comme une grande sœur verrait sa cadette le faire et se rendre compte qu’elle a grandit.
Betty a appréciait sa cigarette et s’en ait arrêté là. Moi j’ai fumer jusqu’à midi, jusqu’à ce que se pose la question de rentrer ou non, d’aller supporter deux heures soporifiques de latin ou non. Nous avons longtemps hésité, abandonné l’idée pour ensuite la reprendre, avant de nous décider définitivement à ne pas bouger de là où nous nous trouvions.
Et nous sommes restées là. J’ai fumé tout l’après-midi. Nous avons joué. Nous avons discuté. Nous avons ri, et ri de plus belle. Nous sommes retombées en enfance et un peu d’insouciance me fit le plus grand bien. Un peu d’insouciance et de folie.
Les répercutions qu’aurait cette écart ne nous préoccupaient guère, et de toute manière rien ne nous a été reproché. Nous étions juste bien pour un temps et cela, ça vaut tout les cours de latin du monde.